That’s all folks.

Mardi soir.

Les saignements de l’hématome, qui s’étaient un peu calmés, reprennent de plus belle, accompagnés de douleurs dans l’utérus. Madame Pimpin passe la soirée allongée, la journée de travail a été plus que dure, les gens ne comprennent pas ces absences à répétition, il faut compenser le retard et anticiper celui dont découlera la perte du bébé. 17h piles, Madame Pimpin quitte son bureau pour aller faire sa prise de sang. Marre de devoir aller au labo dès le matin, marre des conversations des vieux, marre des femmes enceintes béates. Madame Pimpin serre les fesses à tous les feux rouges, le labo arrête les prélèvements à 17h30. 17h32, Madame Pimpin se gare. Elle rentre dans le labo, la secrétaire lui prend son ordonnance et ne chipote pas sur les deux minutes de retard. Faut dire que là aussi, Madame Pimpin est VIP maintenant. L’infirmière qui fait les prises de sang est de dos. Tiens c’est une nouvelle, Madame Pimpin ne l’a jamais vue. Elle se retourne pour appeler Madame Pimpin. Les boutons de la blouse blanche sont tendus sur un petit ventre de cinq mois environ. Madame Pimpin serre les dents et s’assoit, le bras tendu. L’infirmière lui demande la date des dernières règles. 28 janvier, ça n’a pas changé. L’infirmière hausse les sourcils et demande à Madame Pimpin la raison de ce dosage. Madame Pimpin a beau serrer les dents, elle ne voit que le ventre de l’infirmière, cette question est stupide, elle ne répond pas, et ne parvient pas à retenir une larme qui heureusement roule du côté opposé à l’infirmière. Après lui avoir charcuté les bras pendant un bon quart d’heure, l’infirmière réussit enfin à extraire son flacon de sang. Madame Pimpin rentre chez elle, très fatiguée, s’endort à 21h et rêve de deux gros papillons noirs, morts.

Mercredi matin.

Les saignements, très abondants au réveil, se sont presque arrêtés. Toujours des douleurs dans l’utérus. Madame Pimpin pense à la petite Chose. 10h, toujours pas de résultats sur le site du labo. 11h, toujours rien. Madame Pimpin commence à angoisser, elle n’arrive a rien faire d’autre que surveiller cette putain de page internet. 11h45, Madame Pimpin hésite à rafraîchir la page, il ne reste plus que 30 minutes avant la pause déjeuner. Tant pis, elle clique. La page charge. Le taux est de 953. C’est fini. La petite Chose est éteinte. Madame Pimpin n’a que trente minutes pour encaisser puis se mêler aux autres pour aller déjeuner. Elle n’arrive pas à pleurer, elle se sent anesthésiée, elle a juste envie de vomir. Le temps est comme suspendu. A la cantine, elle donne le change, parle peu mais personne ne remarque le malaise à part Madame Poulette qui est au courant. Le reste de la journée passe, Madame Pimpin sait ce qu’elle a à faire, elle anticipe son absence, il n’est pas question de revenir le lendemain. 

Mercredi soir.

17h, Madame Pimpin quitte son bureau, ses affaires sont en ordre, son chef est au courant qu’elle se tire. Elle arrive au cabinet médical, désert. La secrétaire la salue en l’appelant par son prénom. Elle patiente une petite demi-heure. Une femme enceinte sort du bureau du Docteur Colley. Madame Pimpin ne lève pas la tête plus haut que son ventre, ne croise aucun regard. Le Docteur Colley vient la chercher. Il est bien embêté. Il réexplique à Madame Pimpin ce qu’elle sait déjà, l’effet « tout ou rien » du Méthotrexate, la cinétique des b-hcg qui indique que la grossesse n’aurait pas évolué, qu’elle soit bien placée ou non. Il regarde l’écho de la gynéco des urgences, conclut que la taille du sac, et ça Madame Pimpin le sait bien, ne correspond pas à la date de sa grossesse. Il fait l’écho, la petite Chose est toujours là mais elle n’a pas évolué (tu penses bien). Madame Pimpin explique au Docteur Colely qu’elle est en paix avec cette histoire de GEU. Elle lui dit qu’elle est juste très triste, et très fatiguée. Elle lui annonce qu’elle ne reviendra pas après le RDC, que les stimulations et les inséminations attendront la fin de l’été. Il est d’accord avec cette décision, il l’a toujours été. Ils échangent un sourire triste, le Docteur Colley se lève et Madame Pimpin lui demande l’arrêt pour deux jours. Puis elle rentre chez elle. S’effondre à 21h, souffrant le martyre dans sa tête et dans son ventre. Les crampes l’empêchent parfois même de respirer. 

Jeudi matin. 

Madame Pimpin est réveillée tôt mais ne veut pas se lever. Elle a mal. Elle sait ce qui arrivera quand elle se lèvera. Une heure ou deux passent, les douleurs sont trop fortes, Madame Pimpin se lève en pleurant. Aux toilettes, elle voit tout le sang, et elle voit la petite Chose. Elle se nettoie et retourne s’allonger. Triste, désemparée. Oui c’est mieux comme ça, hein. C’est sûr, Madame Pimpin n’aura pas besoin de décider de mettre fin à la grossesse. Madame Pimpin n’aura pas besoin de se déranger à élever un enfant « anormal », applaudissons cette immense complaisance de la nature. Remercions la vie, de faire des cadeaux pareils. Oui c’est tellement plus facile comme ça. 

Jeudi soir.

Les crampes se sont espacées, le sang coule toujours, mais  beaucoup moins abondamment. Madame Pimpin se sent vide, absente de son corps. Le téléphone de Monsieur Pimpin sonne, il répond. Madame Souris va probablement accoucher dans la nuit. Ironique, non.

Madame Pimpin va maintenant prendre du temps pour elle. Ce blog lui a beaucoup apporté et elle s’est attachée à toutes ces belles personnes rencontrées virtuellement depuis le mois d’octobre. Mais aujourd’hui elle a besoin de prendre de la distance avec tout cet acharnement et ce serait impossible en continuant. Peut-être que ça prendra juste une ou deux semaines, mais peut-être, et c’est ce qu’elle espère, que quelques mois s’écouleront avant qu’elle ne revienne à la case PMA, et qu’elle ne revienne à son blog. Elle n’arrive plus à écrire, même cet article ne sort que poussivement. Elle n’arrive plus à absorber les chagrins, elle n’arrive plus à se réjouir des bonnes nouvelles. Il va falloir penser à autre chose le temps de se réparer. Revivre, juste. Elle espère que tu comprendras, que toi qui viens de subir une perte, comme elle, tu retrouveras vite cet espoir, qu’il grandira en toi et que bientôt tu verras battre un petit coeur à l’écho. Elle espère que toi, qui attend ton tour, tu n’auras plus longtemps avant de voir ta patience forcée récompensée. Elle espère que toi, qui porte la vie, tu trouveras un peu de paix jusqu’à la naissance de ton petit et que tout ira bien. Il n’y aura peut-être pas de « saison 2 » mais elle espère ne pas tout à fait te perdre de vue, car des liens forts se sont créés et elle continuera de prendre de tes nouvelles discrètement. Elle t’embrasse bien fort et te souhaite force, courage et chance.

 

Élucubrations.

Pas de changement à moins de 36 heures du prochain contrôle (ça devait être ce soir mais ce sera demain). Madame Pimpin saigne toujours, pas énormément, mais très régulièrement, à raison d’une quinzaine de grosses gouttes bien rouges, fluides et homogènes, par jour (c’est précis comme un rapport de Dexter). Par moments elle a l’impression que son utérus contracte, mais le temps de s’en rendre compte et c’est fini. Madame Pimpin suppose donc que, évolutive ou non, la petite Chose est toujours à l’intérieur. Un sac de 8 mm elle l’aurait vu passer quand même, et elle aurait eu mal au ventre… Qu’elle suppose, hein. La dernière fois dès les premiers saignements on l’a emmenée au bloc alors elle ne bénéficie d’aucun retour d’expérience personnel. Madame Pimpin devient débile, le soir elle s’endort avec la main sur la petite Chose pour lui tenir chaud.

Madame Pimpin s’est un peu renseignée, avec les moyens du bord. Les protocoles médicaux ne prévoient pas d’interrompre une grossesse intra-utérine évolutive en cas d’injection de méthotrexate. La littérature mentionnée par les deux sources (liens à suivre) fait état de 49 cas analysés, pour lesquels 4 grossesses ont abouti à des malformations et on du être interrompues. Les protocoles médicaux préconisent un suivi très rapproché, mais les potentielles malformations seraient détectables très précocement. Bien sûr là on est en infraction avec la Règle de Madame Pimpin : on ne se projette pas on ne se projette pas on ne se projette pas on n’a pas le droit de se projeter quand on saigne comme ça. (Dans la vraie vie de Doctissimo & co, Madame Pimpin n’a trouvé que 3 cas, depuis 2007. Dans les 3 cas la grossesse s’est arrêtée peu de temps après l’injection).

Les liens :

http://www.cngof.asso.fr/D_PAGES/PURPC_11.HTM

http://gynecologie-urologie. edimark.fr/publications/articles/traitement-ambulatoire-de-la-grossesse-extra-uterine-ndash-ambulatory-treatment-of-ectopic-pregnancy/10760

Les cauchemars ont repris de plus belle cette nuit. Madame Pimpin arrivait au cabinet médical pour son rendez-vous de demain. La secretaire la faisait entrer directement dans le bureau, la forçait à s’allonger à plat ventre sur la table, lui arrachait ses vêtements méchamment et la laissait les fesses à l’air, avec le sang qui coule, comme une conne sur la table. Le médecin arrivait et sans un mot, il se mettait à injecter un produit dans les fesses de Madame Pimpin avec une grande aiguille, et lui faisait très mal. Puis il se barrait manger des gâteaux dans la pièce d’à côté. La secrétaire revenait, et avec une grande pince elle farfouillait à l’intérieur, pinçait le col, s’acharnait comme si elle voulait l’arracher. Elle maugréait que putain, c’était pas facile à choper, s’acharnait encore, il y avait du sang partout. Le médecin revenait et lui disait de lâcher l’affaire, qu’avec ce qu’il avait injecté, ça finirait bien par partir tout seul.

Madame Pimpin réalisait alors que la petite Chose était encore vivante au moment de l’injection, et qu’on lui avait encore administré du méthotrexate. Elle demandait en pleurant pourquoi on n’avait pas fait d’écho pour vérifier. La secrétaire sortait de la pièce en silence, le médecin regardait ses pieds et tendait la boîte de gâteaux à Madame Pimpin, avant de sortir à son tour. Deux autres médecins entraient dans la pièce pour expliquer à Madame Pimpin qu’elle ne pourrait pas retenter de grossesse avant mars 2012. Ouais ouais, 2012. Tu peux chercher comment on fait pour aller de mars 2013 à mars 2012, Madame Pimpin y a consacré tout le reste de son rêve et elle n’a pas trouvé.

Roulette Russe.

Prise de sang hier matin. Madame Pimpin ne se presse pas, ne se stresse pas. Vu le sang qu’elle perd depuis mercredi, pas de doute les BHCG ont du bien descendre pour permettre au J1 d’arriver propre et net, comme ça.

15h, les résultats. Taux à 1350. Madame Pimpin a regardé douze fois si c’était bien un 1 devant ou une illusion. Pas d’illusion. D’où vient ce sang bordel. Toujours pas de douleurs, mais Madame Pimpin ne sent pas le truc. Elle appelle le CHU. Son interne <3<3 n’est pas là, une sage-femme lui demande gentiment d’aller se faire voir de plutôt s’adresser à la clinique où on lui a fait la première injection. A la clinique, on lui dit de venir immédiatement.

Attente très longue, une pouffe blonde en léopard fait les cent pas devant Monsieur et Madame Pimpin, son môme dans les bras. Madame Pimpin chouine en silence. L’infirmière reçoit une vieille au poignet cassé, un mec qui pisse le sang, puis elle appelle Madame Pimpin. Regard outré de la pouffe blonde. Fuck.

L’infirmière bugge. Elle mongolise sur le taux de Madame Pimpin. Oui ça pouvait augmenter, oui une seconde injection pouvait être nécessaire, mais 532 lundi / 1350 samedi ce n’est pas normal. L’infirmière, tout comme Madame Pimpin, ne peut s’empêcher de constater que le taux est cohérent, à peu de choses près, avec la date potentielle d’implantation la plus tardive. Elle dit à Madame Pimpin que le médecin urgentiste va la recevoir. Madame Pimpin demande à voir le gynéco de garde. L’infirmière débugge et appelle le service gynéco. On fait monter Madame Pimpin.

Ambiance bizarre. Monsieur et Madame Pimpin suivent l’aide soignante qui les guide à travers les couloirs déserts en trottinant. Elle les conduit au bureau de la gynéco. Matériel High Tech, liste de diplômes longue comme le bras. La gynéco est jeune, jolie, très pro, mais au début Madame Pimpin est à la limite de lui faire confiance. Vite détrompée par la pertinence de ses questions. Tant sur le plan médical que sur le plan psychologique. Pourquoi ces dosages tous les deux jours depuis le premier jour ? Pourquoi avoir refait un dosage ce samedi, au lieu de mardi comme prévu ? Madame Pimpin explique qu’elle a un travail et que ce serait bien de savoir à quoi s’attendre la semaine prochaine. La hynéco lui explique que pour analyser le comportement suite à l’injection, il faut attendre une semaine sinon les chose sont difficiles à interpréter. Madame Pimpin se sent un peu con. La gynéco ergote un peu, on passe en salle d’écho. L’écran géant s’allume dans le dos de la gynéco, qui travaille sur le petit moniteur.

La gynéco montre le corps jaune, l’ovaire droit, l’uté…rus. Sa bouche s’arrondit en O parfait. Un rond noir apparaît aussi sur l’écran. Madame Pimpin explique que le Docteur Fox avait déjà aperçu le minuscule pseudo sac lundi. La gynéco bugge. Le pseudo sac gestationnel est entouré d’une couronne trophoblastique bien nette. Le pseudo sac gestationnel mesure 8 mm. Le pseudo sac gestationnel EST un sac gestationnel.

Ce sac gestationnel est entouré d’un hématome de quelques centimètres, à l’origine des saignements. Bien évidemment la cause de l’hématome pourrait être l’injection. On ne peut plus revenir en arrière et annuler l’injection pour savoir s’il y aurait eu aussi un hématome. On ne peut plus savoir si le taux évoluait merdiquement à cause d’une fausse couche inévitable ou si la petite Chose prenait juste son temps.

Monsieur et Madame Pimpin ne vont pas commencer à jouer avec les « et si ceci », « et si cela »… C’est déjà bien trop dur sans se torturer les neurones. Ce qui est fait est fait. Trois médecins compétents ont diagnostiqué une GEU. Les taux étaient plus qu’inquiétants. L’idée ce n’est plus de décortiquer ce qui a été fait. L’idée c’est de regarder ce qu’on va faire maintenant. De cette petite Chose. Installée à sa place, entourée d’un hématome.

– hypothèse 1 : fausse couche. C’est largement la plus probable. Il faut s’y préparer.

– hypothèse 2 : ça continue d’évoluer, mais de façon anormale. C’est aussi probable. Il faut aussi s’y préparer. Ce sera IMG.

– hypothèse 3 : ça évolue normalement, à chaque jour son lot d’incertitude et l’éventualité de finir avec un légume. Il ne faut pas y penser pour l’instant. Ca représente moins de 1% des probabilités.

Il va sans dire que Madame Pimpin n’est pas au mieux de sa forme. Les saignements continuent, moins intensément mais ça ne veut rien dire. Pour la première fois de sa vie, Madame Pimpin a fait une crise d’angoisse. Impossible d’aller faire pipi toute seule en bas. Monsieur Pimpin a du l’accompagner. Elle n’a pas dormi de la nuit.

Retour au boulot demain. Prochain contrôle BHCG mardi, suivi d’une écho chez le Docteur Colley. Il est temps qu’il revienne. L’impression d’avoir un flingue sur la tempe, chargé d’une seule balle.

Quand tout ça sera fini, Madame Pimpin pense faire un break, break PMA, break de blog peut-être. Essayer d’oublier, vivre moins le nez dedans, et envisager la suite à la fin de l’été. Enfin vu qu’elle change d’avis comme de protège-slip on en est pas là. Et quoi qu’il en soit elle continue de te raconter ce qu’il adviendra de la petite Chose, parce qu’il faut qu’elle l’écrive.

 

En attendant que ça se passe.

Madame Pimpin pourrait avoir la décence de la boucler le temps que ça aille vraiment mieux, le temps qu’elle reprenne des forces et qu’elle repasse en mode actif… Mais ça lui fait du bien de vider son sac, et si ce blog était un lieu de divertissement, une antre de la grosse marrade, ça se saurait.

Commençons par le moins pire, les douleurs. Elles sont quasi inexistantes, quelques crampes par-ci par-là. De toutes façons Madame Pimpin ne se fie pas à sa perception de la douleur et c’est bien pour ça qu’elle était angoissée par cette geu. Madame Pimpin est capable de se trimbaler une otite carabinée pendant une semaine sans rien sentir, et finir par consulter pour un irritation de la gorge. Genre le jour où elle aura l’appendicite elle risque de passer directement par la case péritonite. Bref, elle ne s’attendait pas à morfler. Par contre elle est défoncée, elle dort douze heures par nuit et refait la sieste dans la journée. Du coup elle a meilleure allure. Monsieur Pimpin lui a dit qu’elle avait une bonne mine, hier. Euh, je lui dis ou pas qu’il me contemple à travers une couche de terracota ?

Depuis mardi soir, quelques saignements ont fait leur apparition. Des pertes rosées ornées de minuscules incrustations de sang rouge foncé, c’est très joli. Autant Madame Pimpin a un seuil de douleur proche de celui d’un Golgoth, autant pour se faire des films, il y a du monde. Elle se dit que ces microsaignements sont peut-être annonciateurs d’une chute de BHCG (il paraît que les règles reviennent quand le taux descend en dessous de 100), et donc annonciateur de ses règles. Donc si J1 vers le 15 mars, Prochain J1 pour début de stim vers le 15 avril. Donc insémination début mai, PAF dans ta gueule Madame LaPute de Vie, vive les 30 ans le boule fraîchement fécondé. (Laisse la rêver, elle aura bien assez tôt fait de se reprendre une porte blindée dans la face).

Hier matin, Madame Pimpin a allumé face de bouc dès le réveil, comme ça, au débotté. C’est l’oisiveté ça la rend cruche. Elle a bien vite été punie. Sur son écran, s’est affichée en très grand la photo d’une mini main, pleine de tous minis doigts, couronnés de délicats mini ongles, qui serrait le doigt d’un heureux jeune papa pour la première fois. Un ami d’enfance de Madame Pimpin, qu’elle doit croiser une fois l’an à présent et avec qui elle ne partage plus grand chose, bien qu’elle ait beaucoup d’affection pour lui. La photo était si jolie, si touchante, si poétique, que Madame Pimpin en a eu les larmes aux yeux. Bien sûr qu’elle donnerait tout pour être à leur place, bien sûr qu’elle en crève de cette situation absurde, bien sûr que quelque part ça lui a fait mal, surtout en ce moment. Mais elle n’a pas ressenti d’amertume, cette fois. Peut-être parce que les nouveaux-nés lui font moins mal que les femmes enceintes. Peut-être parce que ce garçon est quelqu’un de vraiment bien qui n’a pas toujours chanté la vie et qui mérite bien d’être heureux. Ou peut-être parce qu’elle a franchi un cap ? Ce serait chouette, un cap. Fini de détester les gens heureux, fini de tout ramener à son propre désert intérieur… Un doux rêve.

En parlant de rêves, ceux de Madame Pimpin sont en train de devenir carrément hard core. La nuit d’avant, Monsieur Pimpin se barrait avec une pouffe, il en avait marre de voir son épouse tirer la gueule à cause de son mono-objectif, marre de la voir prendre du cul (alors que Madame Pimpin a perdu 1.5 kg depuis le TG+, sympa le mec), marre d’être avec une infertile. Donc il se barrait avec sa pouffe et BIM il la mettait enceinte en C1. Et figure toi que la principale préoccupation de Madame Pimpin, c’était de retrouver un étalon qui puisse faire les inséminations au plus vite, sans qu’elle perde de temps et ne gâche le cycle d’avril-mai. Classe. Cette nuit c’était pire, pourtant il n’y avait pas de pouffe et Monsieur Pimpin était toujours là. Madame Pimpin était enceinte et elle approchait du terme. Elle se baladait dans un couloir glauque et sale, seule. Elle sentait le bébé bouger puis des contractions. Elle sentait que le bébé sortait, alors elle s’allongeait par terre et le faisait naître, toute seule. La tête, ronde, puis le petit corps glissant qu’elle saisissant sous les bras, et le bébé était sorti. Elle se mettait à paniquer, ne savait pas quoi faire du cordon, et pendant ce temps là elle ne se rendait pas compte que le bébé ne respirait pas et ne criait pas. Le temps que Monsieur Pimpin arrive, c’était trop tard, c’était fini. Madame Pimpin t’a dit que dès le J1 arrivé elle reprendrait RDV avec sa psy-hippie-hypnotiseuse ? Ca vaudrait mieux, hein on est bien d’accord.

Madame Pimpin est peut-être lourde à revenir toujours au sujet « mes amis sont chiants », elle pourrait déjà s’estimer heureuse d’en avoir. Mais elle l’a mauvaise sur ce coup là. Trois de ses amis seulement prennent de ses nouvelles tous les jours. Madame OPK, Madame Poulette, et Monsieur Unique Vrai Ami Homme de Madame Pimpin. Avec ce dernier, elle ne partage pourtant pas grand chose d’autre que des blagues pourries d’humour noir, des déjeuners à la cantine, et quelques confidences sur un ton faussement je m’en foutiste de temps en temps. Mais tous les jours il lui envoie un message. Lui et Madame Poulette, à la base ce sont des collègues de travail. Les autres ont probablement pris le « pas prête à voir du monde » pour un « foutez moi la paix », pourtant l’énoncé était clair. Madame Pimpin ne les blâme pas mais ça la rend triste qu’elles ne se donnent pas plus de mal que ça. Les amies c’est pas fait pour compter les points, mais bordel c’est toujours elle qui se casse les méninges pour organiser les cadeaux communs, les anniversaires surprises, qui se plie en douze pour le nouvel an… Un message de temps en temps juste pour dire je pense à toi, c’est pas trop demander. Ça fait chier. Elle n’a plus aucune envie de leur donner des nouvelles ni de les voir d’ailleurs mais c’est probablement de la colère ponctuelle qui passera. C’est puéril, de mettre de la colère et de l’énergie là-dedans. Mais c’est comme ça.

Voilà pour les news, à part ça Madame Pimpin a repris du service, croise pour les protocoles, les IAC fraîchement passées ou à venir, les retours en PMA, les J1 viendra, viendra pas… Et elle te remercie pour tes mots gentils, toi pour qui elle n’a pourtant jamais organisé d’anniversaire surprise, toi qui pourtant es là, tous les jours.

Le corps et la tête.

Ce matin, Madame Pimpin a commencé par éteindre son réveil qui s’est mis à sonner à 6h, pour ne se lever qu’à 9h. Elle a ensuite appelé la clinique pour expliquer son problème. Comme c’est la clinique à laquelle est rattaché le cabinet médical, c’est dans cette clinique qu’il y a un an et un jour, Madame Pimpin est entrée avec son embryon et sortie sans. Au téléphone, alors que Madame Pimpin demandait à être transférée au service des urgences gynéco, la standardiste lui demande de sa voix criarde « vous êtes enceinte ? » Eh ben ouais elle est enceinte Madame Pimpin, depuis plus d’un mois (il était temps que ça se termine te dis-je). Madame Pimpin répond que oui, puis précise qu’il s’agit d’une GEU. D’une voix plus sobre, la standardiste lui demande de patienter.

On lui passe une infirmière. Madame Pimpin reéxplique, en commençant par « GEU », cette fois, pour éviter la question-dynamite. On lui dit de se ramener de début d’après-midi.

Madame Pimpin arrive, patiente un peu, l’infirmière lui dit que la pharmacie de la clinique n’était pas surprise de la requête car ce n’est pas la première fois que le cas se présente pour des prescriptions pourtant « de ville ». Alors pourquoi les gynécos n’envoient-ils pas directement leurs patientes à la clinique ? C’est quoi leur truc, un test de débrouillardise ? On a que ça à foutre, quand on fait une GEU, de chercher qui diable dans cette ville voudra bien nous planter une aiguille dans le boule pour tuer des petites choses innocentes ?

L’infirmière s’équipe : blouse stérile, masque, lunettes, gants, charlotte, surchaussures, bordel on se croirait dans Urgence. Madame Pimpin est là, la fesse gauche à l’air, elle attend. Elle évite de regarder la grosse seringue. Son corps est soulagé, mais sa tête a mal. Elle pense à la petite Chose. Depuis ce matin, elle n’a pas cessé de penser à elle. Les larmes coulent. Madame Pimpin sait que cette piqûre mettra fin au développement de cette petite Chose si discrète et si sage. C’est con hein, mais elle a besoin de lui dire au revoir et de la remercier. Une petite Chose qui s’est trompé de chemin, qui a fait son possible, mais qui apporte tout de même un peu d’espoir pour la suite, on ne peut pas la rejeter dans l’indifférence et la froideur.

L’aiguille se plante dans la chair. Le temps de compter jusqu’à quinze et le produit est dans son corps. Les molécules de Méthotréxate vont maintenant faire leur travail. Renifler dans tous les coins, le museau au ras du sol. Chercher la petite Chose, la traquer, la trouver, la coincer dans un coin. Pénétrer ses cellules, les enrober, les neutraliser, la tuer. Rendre Madame Pimpin un peu malade, un peu fatiguée et un peu triste. Mais un peu soulagée aussi. Et voilà c’est fini, a murmuré l’infirmière. Il n’y aura pas de bébé pour Noël, a pensé Madame Pimpin.

Guerre Espérons Unique déclarée.

Le taux est tombé dans l’après-midi, nous disions donc 532 (antériorité 474 deux jours plus tôt). Pas bon, donc. De son côté, la neige aussi s’est mise à tomber, à peu près au même moment.

Madame Pimpin a débarqué au cabinet médical pile à l’heure. Elle est passée tout de suite avec le Docteur Fox. Plus jeune, plus à l’aise, plus « délicat » que le Docteur Colley (se barre au loin pendant que tu te désapes), plus loquace pendant l’écho… Mais ce n’était pas le Docteur Colley alors il lui manquait un truc. Enfin on n’est pas là pour comparer la marchandise.

Pour le Docteur Fox, une GEU est médicalement plus encourageante qu’une fausse couche (ah mais ça veut dire qu’on est sur la bonne voie ? Chouette alors ^^). Madame Pimpin fait sa mauvaise tête mais elle est tout de même contente qu’on puisse y voir du positif.

Les douleurs que Madame Pimpin ressent sont celles que provoque le corps jaune dans l’ovaire, continuant à libérer la progestérone comme un bon petit soldat, pas au courant qu’on a perdu la bataille. C’est ce que l’interne avait appelé kyste aux urgences.

Il n’y a toujours rien dans l’utérus de Madame Pimpin (Un pseudo-sac, a-t il dit, qui n’en serait pas un vrai. Madame Pimpin a dit ok car elle n’est pas contrariante, et elle sait qu’avec des taux pareils on ne peut rien espérer. Mais elle est vraiment obligée de se le répéter pour ne pas devenir folle et finir par croire qu’on va lui dire qu’un embryon sain est apparu comme par magie au bon endroit.)

Rien non plus dans les trompes qui soit visible à l’écho. Gentille Chose qui se fait toute petite.

Le Docteur Fox déclare que dans le doute on va faire l’injection (rendue là, Madame Pimpin aurait tué pour cette ordonnance). Sauf que l’injection, elle ne se pratique pas au cabinet nounouille. Il faut récupérer le produit et trouver une infirmière. Ordonnance N°1 pou le produit, N°2 pour l’infirmière demain. Et puis le Méthotrexate c’est fatigant et une GEU c’est pas glop. Arrêt de travail pour une semaine.  Et puis il faut surveiller le taux toutes les semaines, ordonnance N°3.

Direction la pharmacie de Village Sur Mer, la neige s’intensifie. Le pharmacien contemple l’ordonnance, le regard vide. Pas bon. Le pauvre mignon, qui est gentil comme tout, toujours discret avec les ordonnances de Madame Pimpin, le voilà tout perdu. Il n’a pas accès aux doses prescrites (60mg) de méthotrexate, qui ne sont disponibles qu’en prescription hospitalière. Il passe douze coup de fils, appelle le Docteur Fox, se gratte la tête, revient, explique que de toutes manières aucune infirmière à domicile n’acceptera de faire l’injection, trop inhabituelle. Ca prend une heure. Il ne peut se résoudre à laisser Madame Pimpin et sa GEU comme ça sous la neige, sans le produit. Il rappelle le Docteur Fox. Se barre dans l’arrière boutique et revient.

Voilà ce qu’on va faire : Madame Pimpin tu vas te rendre à la clinique demain, aux urgences gynéco. Tu vas expliquer, et normalement ils vont te faire l’injection sur place ils ont tout ce qu’il faut. Au pire tu leur demandes d’appeler le Docteur Fox ou le Docteur Colley, ils sont un peu à la maison là-bas. Gné, pouvaient pas la jouer comme ça directement ?

La pharmacie ferme, Madame Pimpin ressort, bredouille. Il tombe des seaux de neige, en roulant vers sa chaumière au fond des bois, elle a l’impression de s’enfoncer loin de la civilisation et elle a un peu peur de rester coincée demain matin. Ce serait bien le comble. Grosse pensée pour Boule de Mousse.

Au fil de la soirée, la neige semble céder du terrain. L’affreuse vision de trompe éclatée pendant la nuit, seule au fond des bois s’estompe. Et puis bon, on n’est pas au Canada tout de même, c’est Village sur Mer, hein. Ce sera Monsieur Pimpin le pilote, on a de meilleures chances de s’en sortir.

Demain si tout va bien, Madame Pimpin te racontera comment on se sépare d’une petite Chose à l’aide d’une injection de Méthotrexate. Maintenant, elle va dormir parce que mine de rien la Chose la fatigue.

PS important : cet après-midi, Madame Pimpin a reçu un message de l’interne douce et gentille des urgences gynéco, celle qui l’avait examinée lundi dernier. C’est bien beau de bitcher sur les internes quand ils le méritent, mais cette fille là elle mériterait juste une mention excellent. C’est pas le gland vissé à son i-phone chez les ophtalmos qui irait prendre des nouvelles de ses patients une semaine après.

<3 <3 l’interne des urgences gynéco du CHU de Village Sur Mer <3<3

En vrac #12. [ +edit BHCG ]

Gougniafiers around the world.

La semaine prochaine, Madame Pimpin est censée se taper une mission Gougniafiers en Angleterre. Pas dans un coin sympa, plutôt le genre banlieue industrielle sinistre. Une mission éclair sur la journée, prévue depuis longtemps. Départ de Village Sur Mer à cinq heures du mat, retour à onze heures du soir. Soit Madame Pimpin annule, explique la situation à Monsieur Pingouin et en profite pour lui dire qu’il risque d’y avoir d’autres absences liées au futur traitement dans les mois à venir. Soit elle la boucle, au risque de devoir annuler au tout dernier moment à cause de la deuxième injection de méthotrexate, de passer pour une tire au flanc (ce que penseront de toutes façons les autres gougniafiers puisqu’à eux Madame Pimpin ne dira rien), et de devoir malgré tout avoir cette conversation plus tard avec Monsieur Pingouin.

Binômencloque.

Elle a pondu pour la nouvelle année, souviens toi, Madame Pimpin fêtait son J1. Elle a choisi la semaine de la fausse couche pour revenir de son congé maternité (toi aussi tu trouves que c’est court ? toi aussi tu te dis qu’à sa place, tu aurais profité de chaque seconde passée avec ton petit bout plutôt que de t’empresser de le fourguer à une nounou ?). Mais t’inquiète, c’est pas non plus la working girl qui s’abstient de raconter sa vie privée. Et vas-y que c’est l’expérience la plus épanouissante que de devenir maman, et vas-y que c’est beau de voir son homme devenir papa, et les petites mains si petites, et les petits pieds si petits, hey mais ta gueule ! De toute façon le projet sur lequel elle était la binôme de Madame Pimpin est terminé, à part une ou deux réunions de clôture, elle ne devrait pas trop empoisonner le secteur.

Friends.

Ceux qui sont supposés savoir trouver les mots, percer les bulles de tristesse, tendre la main… Ils ne sont pas nombreux à avoir trouvé les mots, parmi les rares (et triés sur le volet) mis au courant de la situation. Maladresse ? Pas envie de voir la misère des autres ? Ils sont pourtant au courant de tout, ceux qui sont les plus proches, car Madame Pimpin se refuse à cultiver le tabou sur ce sujet. Alors pourquoi ces lieux communs ? Pourquoi ce malaise ? Pourquoi ces mots vides de sens qui mettent en colère au lieu d’apaiser ? Ou pire, ce ton faussement enjoué qui veut dire « ça y est, on peut revenir? » Aurait-il fallu ne rien dire du tout, se contenter de faire la gueule et décliner poliment les invitations, sans explications ? Pourquoi quand un couple se sépare, quand un parent décède, le reste de la bande sait quoi faire et quoi dire, alors que face à l’infertilité et la perte de ces espoirs d’enfants tant attendus, plus personne ne sait comment s’y prendre ? Le résultat c’est que Madame Pimpin a presque envie d’aller s’excuser de les avoir mis dans l’embarras en leur parlant de son chagrin. Qu’elle se sent seule et honteuse.

BHCG.

Ce matin pour la prise de sang, l’infirmière a reconnu Madame Pimpin et ne lui a pas demandé si c’était une bonne nouvelle. Elle se rappelait. Elle se rappelait aussi que Madame Pimpin a les veines fines et qu’il faut la piquer avec attention. Dans trois heures, Madame Pimpin devrait recevoir les résultats. Si ça a monté, elle retourne chez le Docteur Colley (qui est absent, c’est son associé qui la recevra) pour faire l’écho qui en dira peut-être plus long sur la localisation de la Chose et la suite des évènements. Si ça n’a pas monté, elle ira demain. Elle repassera ici te dire ce qu’il en est.

* EDIT* résultats du jour : 532. Ça a ralenti mais la Chose s’agrippe à la vie, au risque de bousiller Madame Pimpin. Elle s’accroche, résiste et se montre courageuse. Madame Pimpin veut qu’on en finisse vite, elle a peur de se mettre à débloquer grave et s’attacher à la Chose. La secrétaire du Docteur Colley a dit « putain de merde, ça monte ». Elle n’a pas eu à insister des masses auprès de l’associé du Docteur Colley, il prend Madame Pimpin en urgence dans 1h30 pour lui »donner le méthotrexate ». Affaire à suivre. Avec Monsieur Pimpin de garde ce soir, nous v’là bien, tiens.

Pas du jeu.

Madame Pimpin n’apprécie plus la blague, là. OK on a bien rigolé DNLP, tu t’es bien foutue d’elle. Il aurait simplement suffi de laisser Britney Bitch danser pendant quelques jours avant de lui loger une balle entre les deux yeux, propre et net. Là ça restait fair play.

Mais achève la bordel, on le connait le résultat maintenant, c’est mort.

Au lieu de la jouer à la loyale, DNLP a décidé de jouer avec le taux de Madame Pimpin encore un petit peu. Et tant qu’à faire, de lui refiler la grosse frayeur d’une GEU.

Le taux était à 152 mercredi 27, 321 samedi, 355 lundi, 359 mercredi, 474 aujourd’hui. Si tu traçais un graphique (oui Madame Pimpin est tarée, et elle fait des graphiques pour tout) tu constaterais que ça a fait un bond ces deux derniers jours. (et non, ce n’est pas bon signe DU TOUT).

Nouveau dosage lundi puis tous les trois jours. Si lundi le taux évolue toujours à la hausse, Madame Pimpin n’échappera pas au métothrexate. (Si une connaisseuse passe par là, Madame Pimpin est preneuse de toute information utile sur l’administration, le suivi, les effets secondaires… Elle se chie dessus là appréhende un peu pour le moment).

A part ça, parce que la vie continue, Madame Pimpin a du boulot par dessus la tête, elle a un peu de mal à se mettre dedans, et son oeil ne s’améliore pas vraiment. Demain ça fera un an que c’est la grosse marde. Madame Pimpin s’attendait, depuis un an, à passer un sale week end du 9 mars. Mais elle ne pensait pas du tout que l’ombre d’une GEU lui planerait au dessus de la tête comme un sale vautour. Elle se disait qu’avec un peu de chance, elle tiendrait un tout petit bébé dans ses bras pour se consoler. Ou au pire, elle caresserait un ventre rond en s’inquiétant pour rien. Elle est pas LOL, la vie ?

 

Debrief.

Ça n’a pas été facile de dire au docteur Colley que la Chose se faisait la malle. La secrétaire ne l’avait pas prévenu, il croyait que tout allait bien. Pour rendre les choses plus faciles, il y avait un mec d’une trentaine d’années dans son bureau. Etudiant ? Probable vu la façon dont le Docteur Colley lui ré-expliquait tout. Futur remplaçant ? Probable au vu de l’âge des intéressés. Madame Pimpin ne saura pas car elle n’a pas eu l’honneur d’être présentée à ce mec qui est resté assis là à hocher la tête silencieusement pendant tout l’entretien. Heureusement, le mec n’est pas beau. Et heureusement, Madame Pimpin n’a pas du baisser sa culotte.

Pas facile non plus de contenir ses larmes, mais Madame Pimpin voulait des réponses. Les larmes auraient mis le Docteur Colley mal à l’aise et auraient perturbé Madame Pimpin. Pas facile, mais mission accomplie. Madame Pimpin a posé toutes les questions qu’elle avait préparées et a obtenu des réponses.

Les raisons de la nouvelle fausse couche :

Manifestement il n’y en a pas. Madame Pimpin a du insister pour que le Docteur Colley accepte de lui faire un bilan. Il aurait plutôt penché pour appliquer la règle qui dit que deux fausses couches ne constituent pas un motif d’inquiétude. Vu les délais de fabrication de l’usine Pimpin, il a cependant accepté. Il n’est pas exclu qu’il fasse intégrer Madame Pimpin dans un programme de recherche sur les fausses couches mené par le CHU. Si Madame Pimpin peut rendre service à sa cause, ce sera bien volontiers. Tant qu’elle ne doit pas adresser la parole à Concon.

Les voyant venir, les gros balauds qui croient tout savoir, Madame Pimpin a demandé si son angoisse et son pessimisme pouvaient avoir joué un rôle dans la fausse couche. Réponse : no way. Dans le délai de fabrication : no way. Ca fait toujours du bien de se l’entendre dire.

La piste de l’endomètre trop fin n’a pas été complètement écartée. Madame Pimpin a fait part de sa méfiance à l’encontre du Clomid (hochement de tête du mec.) Le Docteur Colley semblait confiant sur ce point au vu de ses précédentes observations pendant les monitorages, mais en tiendra compte pour la suite.

L’absence de progestérone pendant la phase lutéale (hochement de tête du mec). Le Docteur Colley a confirmé que ça pouvait ne pas avoir aidé. Fallait avoir un méchant esprit de contradiction aussi, pour réussir pile poil sur le cycle de pause…

La suspicion de GEU soulevée par l’interne du CHU :

Cette option est exclue à 95% mais dans le doute, BHCG à surveiller jusqu’au retour à zéro. Si ça monte : méthotrexate. Gloups. Si ça stagne puis descend : on est content (hier matin, le dosage était passé de 355 à 359, Madame Pimpin ne sait pas si elle doit considérer que ça monte ou si elle doit considérer que ça stagne et dans le doute elle a bien envie de considérer que ça stagne) (prochaine pds demain matin) (elle t’avoue que cette absence de saignements, ces symptômes de grossesse qui ne s’effacent pas, ça ne l’aide pas des masses).

La transition :

On ne peut rien faire pour l’instant pour évacuer la Chose, qui n’a toujours pas généré de pertes de sang malgré les douleurs de J1 d’hier. Il n’y a rien à cureter, rien à évacuer, rien de visible à l’œil nu. Il faut juste attendre (message pour la Chose : puisque tu n’as pas envie d’être là, casse-toi).

Stratégie pour la suite :

On oublie le Clomid. On passe au Gonal-F.

On oublie le Duphaston. On reste sur le Progestan.

Quitte à se piquer, et sur l’hypothèse d’un test de Hühner pas réjouissant, on va passer directement aux inséminations. Le Docteur Colley les fait lui-même (Madame Pimpin ne savait pas qu’il pouvait les faire), en collaboration avec la clinique de PMA pour la préparation en laboratoire. Madame Pimpin est soulagée que la Chose ne vienne pas remettre en question tout le boulot réalisé en amont. Elle l’aurait eu mauvaise de devoir repasser par des cycles naturels puis des stimulations simples puis des piqûres puis les IAC.

Conclusion :

Madame Pimpin se sent mieux et regarde devant elle. Monsieur Pimpin se sent mieux et regarde dans la même direction. Il n’y aura pas eu de torrents de larmes, il n’y aura rien eu de très déraisonnable. Madame Pimpin se rend compte que cette année de galère l’a endurcie plus qu’elle ne pensait.

Le Docteur Colley a rempli toutes les conditions implicitement posées pour que Madame Pimpin annule le RDV à la clinique et le laisse gérer la PMA : suivi sérieux et bilan post-fc, changement de stim, passage aux iac, réponse aux questions.

En sortant du RDV, Madame Pimpin s’est arrêtée au supermarket pour acheter :

–          des serviettes hygiéniques pour quand la Chose décidera de se barrer,

–          un saucisson,

–          trois sortes de fromages au lait cru,

–          une bouteille de saint estèphe,

–          un lapin or,

–          des plants de fraisiers, cassis, framboises, coriandre, ciboulette, basilic, parce que la vie continue,

–          des petits plants de pensées, parce que même si la Chose est petite, même si Madame Pimpin lui a dit casse-toi, même si la Chose fait chier, même si la Chose n’est pas courageuse, Madame Pimpin a besoin dans son cœur de lui adresser une attention et un peu de tendresse.

 

 

On the road again.

Commençons par les faits, for the record. Après une nuit sans sommeil, Madame Pimpin s’est endormie hier matin à six heures, pou rêver de spotting et de fausse couche. Quinze minutes plus tard le réveil a sonné, pas de spotting. Elle est allée faire sa prise de sang et s’est rendue à son bureau. A midi elle est partie, s’est arrêtée pour récupérer les courses au drive, elle est rentrée, Monsieur Pimpin est arrivé, ils ont rangé les courses et mis le linge à sécher dehors car il faisait beau et chaud.

Ils ont ensuite consulté fébrilement la page des analyse du labo et ont compris qu’encore une fois Ovuview se foutait de leur gueule, il n’y aura pas de Bébé Pimpin prévu pour le 4 novembre. Il n’y aura pas de bébé Pimpin en 2013. 2013 année de la foutaise. Madame Pimpin sort et fume une cigarette. Elle n’avait pas jeté son dernier paquet, au cas où. C’est bon la prévoyance, hein.

Coup de fil au cabinet du Docteur Colley, il est absent toute la journée. La secrétaire, après s’être montrée affreusement désagréable, reconnaît Madame Pimpin et se radoucit, lui faisant comprendre avec ses mots à elle que sur ce coup là elle compatit de bon cœur. Elle rassure Madame Pimpin en lui disant que vu le taux, elle ne court aucun risque à attendre le lendemain et lui dit qu’elle pourra passer à n’importe quelle heure pour voir le Docteur Colley.

Madame Pimpin n’a pas eu beaucoup de temps pour se lamenter sur son sort, à deux heures elle a du partir pour le CHU où le Docteur Ponte en Ophtalmo l’attendaient. Vu les circonstances Monsieur Pimpin l’a accompagnée. Après deux heures d’attente, c’est un interne qui la reçoit. Sentant qu’on se fout de sa gueule (again), Madame Pimpin se montre très odieuse avec cet interne, et lui répond volontairement d’un ton très cassant « fausse couche en cours » quand il demande si elle souffre de pathologies. L’interne s’avérant au final très compétent, et Madame Pimpin s’excuse d’avoir été mal aimable. Le spécialiste arrive et fixe une date pour l’opération : 12 juin. Madame Pimpin (tu noteras son optimisme éclatant) précise qu’en cas de nouvelle grossesse d’ici là elle annulerait l’opération, qui n’est pas vitale contrairement à ce besoin obsessionnel de se reproduire.

Tout ça nous mène gentiment à six heures du soir, et entre temps une douleur sourde s’est mise à vriller la « zone pelvienne » de Madame Pimpin, au niveau de la trompe, du côté de l’ovulation. Dans le panthéon des hantises de Madame Pimpin, la GEU a la place d’honneur. Elle profite donc d’avoir des étiquettes et de se trouver à cinquante mètre des urgences gynéco pour se faire contrôler le bouzin.

A l’accueil des urgences, un étudiant de médecine prépubère et infiniment con précise à Monsieur et Madame Pimpin qu’il faut un autre genre d’étiquettes. Monsieur Pimpin retourne à l’accueil du CHU et Madame Pimpin attend dans la salle d’attente déserte, avec vue imprenable sur la salle d’attente des consultations, remplie de femmes enceintes arborant fièrement des ventre plus ronds les uns que les autres, et sur le côté la porte du labo de PMA. Entre les deux, Madame Pimpin est pile a sa place. Monsieur Pimpin revient avec les étiquettes, et on peut enfin commencer les réjouissances.

L’étudiant en médecine, appelons le Concon, commence à poser des questions à Madame Pimpin. Il ne comprend rien. Il ne sait pas ce qu’est une GEU, une stimulation ovarienne, il n’a pas l’air de capter que 152-321-355 c’est une évolution de merde, il demande si Madame Pimpin saigne et n’a pas l’air de bien comprendre ce qu’elle fout là, au bord du nervous breakdown, quand elle répond que non. Il repose douze fois les mêmes questions, Madame Pimpin a l’impression de se faire interroger par Julie Lescaut version adolescent boutonneux.

Concon appelle la sage-femme, à peine plus âgée que lui. Elle arrive avec un grand sourire et Madame Pimpin se demande si elle se fout de sa gueule. Elle pense à ses deux copinautes sage-femmes et insulte mentalement le ciel ou le dieu des CHU de ne pas les avoir placées là aujourd’hui. La sage-femme repose les mêmes questions. Madame Pimpin répond patiemment, anesthésiée par l’absurdité de la situation. Elle recommence. Les dates. La stimulation. Le cycle de pause. La précédente fausse couche. Elle commence à dire « et voilà, ça arrive juste au moment où on allait commencer la… » elle n’a pas le temps de dire PMA, sa voix se brise et elle craque enfin, se met à chialer comme une conne devant Concon l’adolescent prépubère et la sage-femme euphorique. On se croirait vraiment dans une série française de merde.

Les deux larrons prennent conscience qu’ils sont en train de faire chier Madame Pimpin, et partent chercher l’interne. C’est une femme, elle est douce, elle comprend, elle lit la fiche au lieu de poser des questions, Madame Pimpin se calme et arrête de chialer, toujours agacée par la présence de Concon, qui sert à rien. L’interne elle, n’a pas de doutes quant à l’arrêt imminent de ce que Madame Pimpin se refuse à appeler grossesse. Tant mieux, parce que c’est déjà un peu contrariant, une fausse couche, et quand on te croit pas ben c’est encore plus énervant. On va passer à l’écho, Madame Pimpin ordonne qu’on fasse sortir Concon, qui commençait à loucher lubriquement sur son jean. L’interne se concentre sur ce qui préoccupe vraiment Madame Pimpin et ne voit rien à l’écho. Pas de sac, rien de visible dans l’utérus, rien de visible dans les trompes, quelques varices à droite qui peuvent être à l’origine des douleurs et quelque chose à l’ovaire gauche qui pourrait être soit un mini kyste soit un petit follicule.

Elle écrit une longue lettre au Docteur Colley. Elle a l’air de le connaître, et au ton respectueux de sa voix quand elle prononce son nom, elle pourrait même bien avoir déjà été son élève ou son interne. Elle prescrit un nouveau dosage à Madame Pimpin pour mercredi. Ca tombe bien, Madame Pimpin doit aussi faire sa prise de sang pour l’anesthésie de son opération.

Il est sept heures quand Monsieur et Madame Pimpin sortent de là. Il fait toujours bon sur la terrasse, le linge est sec et dégage une bonne odeur. Ca aurait pu être une très belle journée. Ils ouvrent des bières et se mettent à parler.

Monsieur Pimpin est le plus amoché. Il s’était permis, ce week end, de rêver un peu. Madame Pimpin s’était contentée de se demander quand le ciel lui tomberait sur la tête. Le réconforter, ça devient sa mission. Elle prend le relais et va prendre bien soin de lui, pour qu’il soit d’attaque quand ce corps sera prêt à se remettre au travail. Bien sûr Madame Pimpin est triste, dévastée même. Elle se demande quel est le message, dans tout ça.

Pourquoi on lui fait ça alors qu’elle s’était sagement rangée à la raison ? Pourquoi est-ce que ça arrive un an jour pour jour après l’horreur vécue l’année dernière ? Pourquoi, alors qu’elle s’était préparée à affronter les trois vagues J1 – anniversaire de la fausse couche – RDV PMA, la mer est redevenue lisse pour mieux se déchaîner ensuite et plonger Madame Pimpin dans un tsunami qui a fait voler sa planche de surf au loin ? Pourquoi aujourd’hui elle se sent si seule au milieu de la tempête ? Oui c’est moins dur que l’an passé c’est sûr. Mieux préparée, moins innocente, plus désabusée, Madame Pimpin s’en sortira probablement un peu mieux. Mais pourquoi aujourd’hui rien ni personne, aucun mot, aucun geste ne parvient à apaiser sa colère et la réconforter ? Pourquoi n’arrive-t elle plus à partager sa souffrance, même ici ? Pourquoi se sent-elle obligée de traverser ça en restant droite comme un i, sans réussir à exploser ? Pourquoi les échéances se mélangent, la fausse-couche 1, la fausse couche 2, les deux ans d’essais, l’arrivée du printemps ? Pourquoi ce jour là, cette douceur insupportable dans l’air et ce soleil insolent ? Pourquoi Madame Pimpin n’est elle capable que de produire poussivement des ébauches d’enfants sages, qui partent en silence, sans douleur et sans saigner, ne laissant derrière eux que quelques larmes discrètes et des ébauches de parents tristes ? Pourquoi le bonheur des autres devient-il éblouissant, douloureux ? Pourquoi après avoir tenté de garder un karma potable, elle se sent maintenant irrésistiblement attirée par le cynisme, l’aigreur et l’indifférence ? Pourquoi la PMA, qui ne l’effrayait « qu’un peu » jusqu’à maintenant la terrorise et la dégoûte aujourd’hui ? Pourquoi malgré tout cette certitude qu’ils prendront les choses en main et continueront à se battre jusqu’au bout ?

Madame Pimpin a peur. Peur de devenir une autre. Peur de ce que son corps va révéler. Peur de ne pas réussir. Peur d’être trop amochée. Peur de voir les solutions diminuer, les choix se réduire, sa vie lui échapper. Peur de ses trente ans qui arrivent. Rousseau dit que « au fond, c’est moins le coup que la crainte qui tourmente, quand on s’est blessé », et c’est très juste. Le coup on s’en remet. La crainte elle reste, et s’accumule, et pervertit tout.