Mars.

Les trois semaines à venir s’annoncent plutôt rudes pour Madame Pimpin. Elle commence à flipper un peu et à se demander dans quel état elle sera quand tout sera passé. Mars, ce n’est pas le dieu de la guerre pour rien.

D’abord, il va y avoir le J1. Il est imminent, les symptômes sont là, la lune s’arrondit déjà comme chaque fois, quand elle sera pleine, le sang coulera. Alors oui, au fond de sa caboche, comme chaque fois, Madame Pimpin se dit « et pourquoi pas ». C’est vrai pourquoi pas cette fois. Ca a marché au naturel, la première fois. L’éternelle rengaine du pré-J1. Mais cette fois, elle ne psychote pas. Elle a les idées très claire sur ces symptômes et a déjà fait le deuil de ce cycle. Ca l’embête juste un peu de devoir attendre encore jusqu’à lundi ou mardi. Et puis comme toujours, J1 va tomber pendant un déplacement. Comme toujours Madame Pimpin va se rappeler de ce J1 qu’elle attendait pendant un déplacement en janvier dernier, ce J1 qui n’est pas venu, ces deux jours passés sans avoir testé, sans être tout à fait sûre, ce retard louche… Confirmé par le test fait au retour, un jeudi. Madame Pimpin anticipe tout ça, aussi. Elle sait qu’elle va commencer à inspecter le papier quand elle ira au toilettes, à partir de demain. Elle sait que quand le spotting arrivera, elle continuera à se dire « pourquoi pas, pourquoi pas ». Elle sait qu’elle sera en colère. Elle se prépare. Et c’est très bien comme ça.

Ensuite il y aura le 9 mars. Un an jour pour jour après la fausse couche. Madame Pimpin sait que ce jour là, elle sera très triste. Ca tombe un samedi, tant mieux, personne ne la verra. Madame Pimpin sait qu’elle va penser au bébé. Elle sait que le J1 sera digéré. C’est bien dommage que le RDV PMA n’ait pas lieu le 7, ça aurait distrait son attention. Il faudra faire avec. Il faudra passer ce 9 mars en se disant que rien n’a changé depuis un an. Mais la perspective du RDV du 14 l’aidera peut-être à regarder au-delà du 9 mars.  Madame Pimpin sait déjà avec certitude que cette journée sera interminable et douloureuse. Elle sait qu’elle va ressasser cet échec. Se demander encore pourquoi elle a tant de mal à passer au dessus. Se demander pourquoi cet échec lui colle a la peau. Se demander pourquoi d’autres font des enfants, pourquoi d’autres s’en remettent, pourquoi d’autres font des fausses-couches mais se disent juste « tant pis c’est la vie », alors qu’elle en reste juste incapable. Madame Pimpin sait qu’elle va s’auto-accabler ce jour là, que ce sera très dur. Elle se prépare. Et c’est très bien comme ça.

Ensuite il y aura le 14 mars, le jour du RDV à la clinique de PMA. Le 14 mars qui va probablement devenir une nouvelle date d’anniversaire. Toujours pas joyeuse. Le 14 mars et toutes ses questions. Vont-ils nous accepter ? Vont-ils nous aider ? Vont-ils admettre qu’il y a un problème ? Vont-ils nous écouter ? Le ciel va-t il nous tomber sur la tête, de nouveaux examens vont-ils révéler que c’est foutu ? Madame Pimpin envisage toutes les questions, toutes les réponses. Elle se prépare. Et c’est très bien comme ça.

En fait, Madame Pimpin se sent comme sur son surf. Sauf que pendant trois semaines, il ne va pas s’agir de se mettre debout et de glisser sur les vagues. Il va juste s’agir de ne pas se noyer. De les regarder, les trois vagues hautes comme des murs et fortes comme des ouragans, à l’horizon. Les regarder enfler, les entendre gronder, et quand elles arriveront il faudra s’accrocher à la planche, ne pas lâcher, rester dessus. Trois fois. Anticiper le soulèvement, la secousse, retenir son souffle le temps de passer au dessous. Refaire surface, inspirer. Retrouver des appuis, recommencer. Puis une troisième fois. Et à la fin, faire avec ce qui reste. Madame Pimpin se prépare, et c’est très bien comme ça.

Pour se donner de la force, elle écoute ça :

La Yegros – Viene de mi. Ca lui rappelle que quelque part il fait soleil, il fait chaud. Ca lui rappelle qu’on peut danser et rire, être léger, mais se battre. Ca lui rappelle que des hommes savent marcher des heures dans le désert, et finissent par arriver à bon port. Madame Pimpin kiffe La Yegros. Pas seulement parce qu’elle est Argentine.

Alt-J – Matilda. Parce que Madame Pimpin se dit que ce n’est peut-être pas la Matilda de la chanson qui a besoin d’elle, mais qu’il y a des gens qui l’aiment et ont besoin d’elle. Et parce que « the breath I’ve taken and the one I must to go on », ça lui fait précisément penser à ces trois grosses vagues à affronter. (Madame Pimpin ne t’a pas mis le clip original, parce que ces tronches de rosbif c’était juste pas possible.)

Cocorosie – The moon asked the crow : Parce que c’est une chanson de païens et que quand elle l’écoute, Madame Pimpin n’a plus peur de la lune.

Shaka Ponk – Picky : Parce que ça lui donne envie de boire de la vodka en faisant des pogos comme sur du Noir Désir quand elle était plus jeune, chose qu’on ne peut pas faire quand on se lamente sur son sort.

Daft Punk – Harder Better Faster Stronger : parce que Madame Pimpin veut y croire plus dur, réussir mieux, y arriver plus vite, et être plus forte quand elle surnagera après le passage des vagues,  à califourchon sur son putain de surf dans l’écume, épuisée mais contente de ne pas s’être cassé la gueule.

 

(si tu préfères Britney Bitch et Joe Dassin, t’inquiète pas on y reviendra bien un jour !)